Le point de vue de la cliente

«Ouin, y’était pas dû pour vivre, lui»

Il existe des centaines (des milliers?) d’articles qui donnent des trucs pour améliorer la communication. Dans la majorité de ces articles bien pratiques, un truc est assez récurrent: adapter son ton et son discours à la situation et à l’émotion générée par cette situation. Je crois que dans le domaine vétérinaire, ce truc est essentiel! Et pour illustrer l’importance de ce truc, j’avais envie de vous partager une histoire! Voici donc une petite tranche de vie qui illustre bien ce que j’entends par là.

L’été passé, j’ai adopté un tout petit carlin noir de 3 mois: Gédéon (il portait le nom de Pirate à cette époque). Petite précision: il n’avait qu’un seul oeil, l’autre avait été amputé suite à, m’avait-on dit, un accident bête. Vous comprenez maintenant pourquoi il portait initialement le nom de Pirate! Loin de me déranger, cette petite particularité me donnait l’impression que mon petit Ged’ était unique et que je lui donnais une chance d’avoir une vie tout à fait normale!

C’est ce que je pensais, jusqu’à ce que son deuxième (et dernier) oeil devienne tout embrouillé et qu’il s’infecte. Et, c’est là que mon histoire devient vraiment intéressante pour vous!

Pourquoi? Parce que ça vous donne accès au point de vue d’une cliente, le mien.

Plusieurs tests ont été réalisés à différents moments au cours des deux semaines entre l’apparition du problème et le départ de mon petit bonhomme.
La dernière journée, on a visité 3 cliniques dans la même journée. Après un test de fluorescéine à la deuxième clinique, nous avons dû nous rendre à une troisième pour y rencontrer une autre vétérinaire.

C’est là que ça se corse

La vétérinaire est entrée dans la salle, et sans nous saluer, elle a consulté le dossier de Gédéon pendant quelques minutes. Lorsqu’elle a levé les yeux de son cartable, elle a vu Gédéon dans mes bras, qui était dans un piteux état. Son oeil était énorme et sortait presque de sa tête, il coulait beaucoup, et à cause de la fluorescéine, il était jaune fluo. C’était un peu digne de Walking Dead. Et la vétérinaire l’a exprimé sans filtre: «Ouf, c’est dégueulasse, ça». Avec une moue de dégoût.

Je suis loin de pointer du doigt qui que ce soit ni de faire un procès. C’était effectivement dégueulasse, après tout. Mais je donne mon point de vue de cliente: outch.

Quelques minutes plus tard, après quelques questions sur le passé de Gédéon (et sur la perte de son premier oeil), un commentaire de la vétérinaire m’a marquée: «Ouin, y’était juste pas dû pour vivre, lui.». Re-outch.

Fin de la tranche de vie.

Ce que vous dites à vos clients générera une vaste gamme d’émotions pour eux: stress (aspect financier pour les soins, incertitude par rapport à la capacité de payer l’opération et/ou les soins, etc.), tristesse (à l’idée d’éventuellement perdre son animal), colère (traitement qui ne fonctionne pas, etc.), incompréhension, déception, etc. C’est là que l’idée d’adapter son ton et son discours à la situation et à l’émotion générée par cette situation prend tout son sens. Prendre en considération les émotions générées par ce qu’on dit, ça implique de se mettre dans les souliers de son client et de communiquer en conséquence.

Prenons l’exemple du mot «dégueulasse». On s’entend que c’est un mot très fort et connoté. Je comprenais ce qu’elle voulait dire, et comme je l’ai dit, c’était effectivement dégueulasse. Mais si la vétérinaire en question avait pris en considération nos émotions, elle aurait peut-être dit quelque chose du genre: «Pauvre Gédéon (utiliser le nom de l’animal est toujours une marque de respect appréciée), t’es vraiment pas au mieux de ta force!», avec un ton compatissant. Même idée, mais pas les mêmes mots ni le même ton: toute la différence du monde!

Voici mon histoire et voici ce que j’aimerais que vous en reteniez: vous vous adressez à des êtres humains qui seront secoués après leur départ de votre clinique. Je me souviendrai toujours des derniers jours de Gédéon, mais pas nécessairement avec un bon souvenir.

Ça aurait pu être différent. Vos mots, et votre manière de les dire, ont un pouvoir magistral sur nos sentiments à nous, les clients. Vous avez l’occasion de faire une différence positive dans la vie de quelqu’un en pesant l’effet de vos paroles et en les adaptant à la situation. C’est pas rien ça, non?